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Difficultés des entreprises

27/05/2016 08:41:21

catégorie : Procédures collectives

Cautionnement disproportionné d’un débiteur en plan de sauvegarde

Pour apprécier si le patrimoine d’une caution ayant souscrit un engagement disproportionné lui permet de faire face à son obligation, il faut se placer, lorsqu’elle garantit un débiteur en plan de sauvegarde, à la date à laquelle il n’est plus respecté.

 


La solution, inédite, retenue par l’arrêt du 1er mars 2016 combine deux règles : les dispositions de l’article L. 341-4 du code de la consommation et celles de l’article L. 626-11 du code de commerce. Du premier texte, il ressort que le créancier est privé du droit de se prévaloir d’un cautionnement disproportionné, à moins que, au jour où la caution est appelée, son patrimoine ne lui permette de faire face à son engagement. Du second texte, il ressort que la caution peut se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde adopté au profit du débiteur principal.

En l’occurrence, une caution, qui s’était manifestement engagée de manière disproportionnée, garantissait le remboursement de sommes dues par un débiteur placé en procédure de sauvegarde qui s’était soldée par l’adoption d’un plan. Quelques mois après cette adoption, le créancier assignait la caution. La question se posait alors de savoir si le patrimoine de cette dernière lui permettait de faire face à son engagement, entraînant, dans ce contexte particulier, une problématique inédite : à quelle date convenait-il de se placer pour apprécier la situation de la caution ?

La Cour de cassation commence par rappeler le principe énoncé par l’article L. 341-4 du code de la consommation : le juge doit se placer au jour où la caution est appelée pour déterminer si son patrimoine lui permet de faire face à son engagement. Elle adapte ensuite ce principe au regard du contexte particulier de la caution poursuivie alors que le plan de sauvegarde du débiteur principal est en cours en rappelant implicitement que, puisque la caution peut se prévaloir des dispositions du plan, elle ne peut être effectivement contrainte à s’exécuter que si le débiteur manque à son obligation de payer les dividendes du plan. La Cour de cassation a récemment eu l’occasion de préciser cette règle dans le cadre particulier de poursuites destinées à éviter la caducité de mesures conservatoires. Le créancier peut obtenir la condamnation de la caution en cours de plan de sauvegarde exécuté, pour éviter cette caducité, mais l’exécution de la condamnation est suspendue tant que l’exécution du plan de sauvegarde est respectée (Cass. com., 2 juin 2015, n° 14-10.673, n° 548 P + B ; Cass. com., 27 mai 2014, n° 13-18.018, n° 523 P + B). De ce que l’exécution de son engagement par la caution ne peut être revendiquée par le créancier tant que le plan est correctement exécuté par le débiteur principal, la Cour de cassation déduit cette fois que, si le cautionnement est disproportionné, l’appréciation de la capacité patrimoniale de la caution à faire face à son engagement doit se faire à la date à laquelle la caution peut être appelée à s’exécuter, c’est-à-dire, dans le cadre du plan de sauvegarde, à la date à laquelle le plan n’est plus respecté par le débiteur principal.

En l’espèce, l’assignation avait été délivrée alors que le plan était correctement exécuté, l’inexécution entraînant la résolution du plan et la liquidation judiciaire du débiteur principal n’étant intervenue que 15 mois plus tard. C’est à cette seule dernière date que devait être apprécié le patrimoine de la caution pour savoir si elle était en mesure de désintéresser le créancier.

En filigrane, la décision pourrait en outre confirmer que, hors le contexte spécial de la prise de mesures conservatoires, le créancier est bien recevable à assigner la caution en cours de plan de sauvegarde, le caractère exécutoire de son titre étant suspendu jusqu’à inexécution du plan. Cette généralisation de la règle reste cependant quelque peu incertaine dans le cadre de l’affaire en cause et mériterait une affirmation plus nette.

u      Cass. com., 1er mars 2016, n° 14-16.402, n° 221 P + B

 

Florence Reille

Maître de conférences, Université de Perpignan

 

 

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Article extrait du Bulletin d’actualité des greffiers des tribunaux de commerce n° 96, avril 2016 : www.cngtc.fr