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Effets du projet de loi Pacte sur le droit des

03/09/2018 07:52:41

catégorie : Procédures collectives

Le projet de loi Pacte autorise le gouvernement à procéder par ordonnances pour réformer le droit des sûretés et transposer la future directive Insolvabilité. Il apporte aussi un certain nombre de modifications au droit des entreprises en difficulté.rnL

Réformer les sûretés, adapter les règles de l’insolvabilité par ordonnances

Le projet de loi Pacte comprend une habilitation du gouvernement à réformer par voie d’ordonnance le droit des sûretés en s’appuyant sur les propositions de l’association Henri Capitant rendues publiques en septembre 2017, d’une part et à rendre compatible le livre VI du code de commerce avec le droit de l’Union européenne (UE), d’autre part.

   Simplifier, clarifier, moderniser le droit des sûretés

Le projet de loi Pacte habilite le gouvernement à réformer le droit des sûretés, par ordonnance et dans un délai de 24 mois à compter de la publication de la loi, « tout en assurant un équilibre entre les intérêts des créanciers, titulaires ou non de sûretés, et ceux des débiteurs et des garants » (Projet de loi, exposé des motifs et art. 16, I). Conjointement, en matière de droit des procédures collectives, le projet de loi prévoit de « Simplifier, clarifier et moderniser les règles relatives aux sûretés et aux créanciers titulaires de sûretés dans le livre VI du code de commerce, en particulier dans les différentes procédures collectives et notamment en adaptant les règles relatives aux sûretés au regard de la nullité de certains actes prévue au chapitre II du titre III du livre VI du code de commerce » (Projet de loi, art. 16, I, 12°). On peut donc espérer que cette réforme des sûretés sera articulée avec le droit des procédures collectives, ce qui est rarement le cas.

   Rendre compatible le livre VI du code de commerce avec le droit de l’UE

Alors que la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux cadres de restructuration préventifs, à la seconde chance et aux mesures à prendre pour augmenter l’efficience des procédures de restructuration, d’insolvabilité et d’apurement et modifiant la directive 2012/30/UE en date du 22 novembre 2016, dite « Insolvabilité », est encore en cours de discussion, le projet de loi Pacte autorise le gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de 2 ans à compter de la publication de la loi Pacte, les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour rendre compatibles les dispositions du livre VI (et non IV comme indiqué par erreur dans le projet) du code de commerce avec le droit de l’Union européenne. Il prévoit notamment l’adoption des plans par des classes de créanciers en lieu et place des comités de créanciers, la possibilité pour le tribunal d’arrêter le plan malgré l’opposition d’une ou plusieurs de ces classes, le respect des accords de subordination conclus avant l’ouverture de la procédure de sauvegarde ou encore l’aménagement des règles relatives à la suspension des poursuites (Projet de loi, art. 64).

Favoriser rétablissement professionnel et liquidation judiciaire simplifiée

L’article 15 du projet de loi Pacte prévoit de développer le recours au rétablissement professionnel et à la liquidation judiciaire simplifiée.

 

 

 

   Rétablissement professionnel

Avec le projet de loi Pacte, le tribunal devrait systématiquement s’interroger sur l’opportunité de faire bénéficier le débiteur personne physique du rétablissement professionnel, s’il répond aux conditions de cette procédure bien sûr, mais également s’il donne son accord (Projet de loi, exposé des motifs). Cette innovation a pour objectif de favoriser le recours à cette procédure. A cet effet, le projet de loi modifie les articles L. 626-27 et L. 631-20-1 (prononcé de la liquidation judiciaire en cas de résolution du plan de sauvegarde ou de redressement), L. 631-7 (demande de redressement judiciaire par le débiteur dont le redressement paraît manifestement impossible) et L. 641-1 du code de commerce (ouverture de la liquidation judiciaire à la demande du débiteur, du ministère public ou d’un créancier). Dans toutes ces hypothèses, la question de l’application du rétablissement professionnel devrait donc se poser (C. com., art. L. 626-27, al. 3, L. 631-20-1, L. 631-7 et L. 641-1, I, mod. par Projet de loi, art. 15, I, 1° à 4°).

Par ailleurs, le projet de loi modifie l’article L. 645-1 du code de commerce qui interdit, notamment, au débiteur faisant l’objet d’une procédure en cours de bénéficier du rétablissement professionnel, de telle manière à écarter cette condition, ce qui permettrait l’application du rétablissement professionnel même lorsque le débiteur a, dans un premier temps, bénéficié d’une sauvegarde ou d’un redressement judiciaire (C. com., art. L. 645-1, mod. par Projet de loi, art. 15, I, 5°).

Aujourd’hui, le débiteur, qui demande l’ouverture d’une liquidation judiciaire, peut par le même acte solliciter l’ouverture du rétablissement professionnel (C. com., art. L. 645-3, al. 1er), le projet de loi prévoit de supprimer cette disposition étant donné que le tribunal devra s’interroger sur l’opportunité d’appliquer cette procédure (C. com. art. L. 645-3, al. 1er, suppr. par Projet de loi, art. 15, I, 6°).

   Liquidation judiciaire simplifiée

Aujourd’hui, la liquidation judiciaire simplifiée est obligatoire en dessous de certains seuils et peut être prononcée au-delà de ces seuils mais en deçà de seuils plus importants. Le projet de loi Pacte envisage de la rendre obligatoire, par principe, pour les petites et moyennes entreprises (PME) employant 5 salariés au maximum et réalisant moins de 750 000 euros de chiffre d’affaires (Projet de loi, exposé des motifs), seuils qui correspondent aujourd’hui à ceux en deçà desquels elle peut être prononcée à titre facultatif. A cet effet, le projet de loi prévoit d’abroger l’article L. 641-2-1 du code de commerce relatif aux seuils d’application de la liquidation simplifiée facultative (C. com., art. L. 641-2-1, suppr. par Projet de loi, art. 15, 8°). En revanche, il maintient la condition relative à l’absence de bien immobilier.

Par ailleurs, le projet de loi modifie le premier alinéa de l’article L. 644-5 du même code qui prévoit aujourd’hui que la liquidation simplifiée est clôturée au terme d’un délai de 6 mois lorsqu’elle est obligatoire et un an lorsqu’elle est facultative. Le projet de loi Pacte précise qu’elle serait prononcée dans un délai de 6 mois qui serait porté à un an, lorsque le nombre de salariés ainsi que le chiffre d’affaires sont supérieurs à des seuils fixés par décret (C. com., art. L. 644-5, al. 1er, mod. par Projet de loi, art. 15, I, 10°). En revanche, le texte ne modifiant pas l’alinéa 2 de l’article L. 644-5, le tribunal pourrait toujours, par une décision spécialement motivée, proroger la procédure pour une durée de 3 mois.

Réformer la publicité du privilège du trésor

Le projet de loi Pacte envisage tout d’abord de prévoir des dates fixes de publicité du privilège du Trésor au dernier jour de chaque semestre civil tandis qu’une nouvelle exception à cette publicité serait prévue en cas de dépôt par le redevable d’une réclamation d’assiette régulière, assortie d’une demande de sursis de paiement (CGI, art. 1929 quater, mod. par Projet de loi, art. 17). En outre, le seuil de publicité obligatoire actuellement de 15 000 euros serait porté à 200 000 euros par décret, si l’on s’en tient à l’étude d’impact accompagnant le projet de loi.

Remarque : selon le CNGTC, un tel projet priverait les tribunaux de commerce d’un outil essentiel pour une prévention efficace des difficultés des entreprises.

Parallèlement, le projet de loi revient sur les délais devant être pris en compte par le comptable public pour émettre son titre définitif, délai qui serait fixé à 12 mois maximum en cas d’établissement de l’impôt pour les procédures de sauvegarde et de redressement (C. com., art. L. 622-24, mod. par Projet de loi, art. 18, I, 2°).

Interdire en plan de cession les clauses de solidarité « inversée »

L’article L. 642-7 du code de commerce relatif à la cession des contrats dans le cadre d’un plan de cession prévoit en son alinéa 3 que les contrats doivent être exécutés aux conditions en vigueur au jour de l’ouverture de la procédure, ce qui a notamment pour effet de rendre applicables les clauses imposant au cessionnaire d’un bail des dispositions solidaires avec le cédant. Le projet de loi prévoit que, par dérogation, en matière de bail, ces clauses seraient réputées non écrites (C. com., art. L. 642-7, al. 3, mod. par Projet de loi, art. 19, I), ce qui devrait faciliter la reprise de l’entreprise. En revanche, cette innovation serait réservée au plan de cession et ne s’appliquerait donc pas en cas de cession isolée.

Maintenir la rémunération du dirigeant en redressement

Le projet modifie l’article L. 631-11 du code de commerce, qui prévoit aujourd’hui qu’en redressement judiciaire, le juge-commissaire fixe la rémunération du débiteur s’il est une personne physique ou des dirigeants de la personne morale. Afin de ne plus rendre obligatoire la fixation de cette rémunération par le juge-commissaire (Projet de loi, exposé des motifs), elle serait maintenue en l’état au jour du jugement d’ouverture du redressement. Toutefois, à la demande de l’administrateur ou s’il n’en est pas désigné, du mandataire judiciaire ou du ministère public, le juge-commissaire pourrait la modifier (C. com., art. L. 631-11, al. 1er, mod. par Projet de loi, art. 14, I). Rappelons qu’en sauvegarde, il n’existe aucune disposition sur cette question.

 

u         Projet de loi AN n° 1088, 19 juin 2018

 

Philippe Roussel Galle, Conseiller scientifique
du Dictionnaire Permanent Difficultés des entreprises

Edith Dumont

 

Éditions Législatives – www.elnet.fr

Article extrait du Bulletin d’actualité des greffiers des tribunaux de commerce n° 121, juillet 2018 : www.cngtc.fr