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interdiction des cessions aux dirigeants par personne interposée

28/04/2017 16:32:44

catégorie : Procédures collectives

L’interposition de personnes s’entend de l’intervention d’une personne morale qui masque, de quelque manière que ce soit, la participation des dirigeants de la société en liquidation judiciaire à l’opération d’acquisition et entraîne la nullité de l’offre

Dans le cadre de la cession de l’entreprise en liquidation judiciaire, il résulte de l’article L. 642-3, alinéa 1er du code de commerce que les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale débitrice ne sont pas admis, directement ou par personne interposée, à présenter une offre de reprise et, pour renforcer l’interdiction, celle-ci se prolonge dans le temps.

Dans une décision rendue le 8 mars 2017, la Cour de cassation précise ce qu’il faut entendre par personne interposée (Cass. com., 8 mars 2017, n° 15-22.987, n° 316 P + B + I). La jurisprudence est abondante sur la notion de dirigeant, mais rare en ce qui concerne l’interposition de personnes, donnant ainsi toute son importance à la solution dégagée.

La Cour de cassation prohibe la vente d’actifs d’une société en liquidation à ses dirigeants par l’intermédiaire d’une personne morale, masquant la participation de ces derniers à l’opération d’acquisition.

   Interposition de personnes

En l’espèce, une société est mise en redressement, puis en liquidation judiciaires. Dans le cadre de la vente aux enchères des éléments d’actifs ordonnée par le juge-commissaire, une SCI est déclarée adjudicataire d’une ligne de production et d’autres éléments corporels et incorporels. Après avoir obtenu en référé la suspension de la vente, le ministère public assigne la SCI en annulation des offres d’achat. Les juges du fond annulent les offres d’achat, au motif qu’il y avait là interposition. Ils ajoutent que la SCI avait l’intention de revendre les éléments d’actifs à une société dont les dirigeants de la personne morale en liquidation sont les associés, ce qui caractérisait une fraude. Ils relèvent également que les biens acquis par la SCI n’entraient pas dans son objet social, qu’elle n’avait pas les moyens financiers pour accomplir cette opération et qu’une résolution de l’assemblée générale l’autorisait à céder les biens acquis à un tiers.

La SCI forme un pourvoi aux termes duquel elle fait valoir que l’interposition s’entend de l’intervention d’une personne morale dont les dirigeants de la personne morale en liquidation sont les associés ou les dirigeants et que ce n’était pas le cas en l’espèce.

Selon la Cour de cassation, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d’appel a retenu l’interposition de personnes entre la SCI adjudicataire et les dirigeants de la société en liquidation judiciaire. Ils étaient, en effet, respectivement président et associé d’une autre société pour le compte de laquelle l’offre avait en réalité été déposée. Elle juge que l’interposition de personnes, au sens de l’article L. 642-3 précité, s’entend de l’intervention d’une personne morale qui masque, de quelque manière que ce soit, la participation des dirigeants à l’opération d’acquisition, ce qui était bien le cas en l’espèce. La solution est logique et ne souffre guère la discussion. En outre, il n’y a pas lieu de statuer sur l’existence d’une fraude dès lors que cette interposition est démontrée. L’interposition suffit à justifier l’annulation de l’offre d’achat puisqu’elle est interdite par la loi.

   Interdiction d’acquérir

L’article L. 642-3 du code de commerce liste les personnes interdites de présenter une offre directement ou par personne interposée :

-  le débiteur, s’il s’agit d’un EIRL, ne peut pas se porter candidat à la reprise au titre de l’un quelconque de ses patrimoines ;

-  le débiteur personne physique et ses parents ou alliés jusqu’au deuxième degré inclusivement ;

-  les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire et leurs parents ou alliés jusqu’au deuxième degré inclusivement (Cass. com., 25 sept. 2012, n° 11-23.667) ;

-  les personnes ayant ou ayant eu la qualité de contrôleur au cours de la procédure.

L’article L. 642-20 du même code étend également cette interdiction aux cessions d’actifs du débiteur. Ces dispositions sont également applicables à la procédure de redressement judiciaire par renvoi de l’article L. 631-22, alinéa 1er du code de commerce. C’est dans ce cadre que la Cour de cassation a précisé que l’ancien dirigeant de droit peut présenter une offre sauf fraude ou qualité de dirigeant de fait démontrée (Cass. com., 23 sept. 2014, n° 13-19.713, n° 785 P + B).

Pour la Cour de cassation, les interdictions n’ont ni pour objet ni pour effet d’entraîner une privation de propriété puisqu’elles se limitent à écarter les offres d’acquisition de personnes ayant des liens étroits avec le débiteur ou exerçant les fonctions de contrôleur. Le but recherché est d’éviter les fraudes et de garantir une vente au meilleur prix, puisqu’effectivement, on peut craindre des « ententes » avec des proches du débiteur (Cass. com. QPC, 18 févr. 2014, n° 13-40.071 ; Cass. com. QPC, 7 juill. 2016, n° 14-50.066).

Enfin, l’article L. 642-3 du code de commerce prévoit une possibilité générale de déroger aux interdictions susvisées, sauf pour ce qui concerne les contrôleurs. Sous cette réserve, les possibilités de déroger à ces interdictions restent très encadrées.

 

u      Cass. com., 8 mars 2017, n° 15-22.987, n° 316 P + B + I

 

Philippe Roussel-Galle, Conseiller scientifique du Dictionnaire Permanent Difficultés des entreprises

Catherine Cadic, Dictionnaire Permanent Difficultés des entreprises

 

Éditions Législatives – www.elnet.fr

Article extrait du Bulletin d’actualité des greffiers des tribunaux de commerce n° 107, avril 2017 : www.cngtc.fr